Dès son achèvement en 1942, Nighthawks est considéré comme une réalisation importante et est acquis l'année même par l'Art Institute of Chicago. Il est aujourd'hui le plus célèbre tableau de Hopper, icône de la culture américaine, retravaillé et parodié de nombreuses fois dans la culture populaire.
Nighthawks (Les noctambules ou encore oiseaux de nuit) se dit s'être inspiré d'un restaurant à l'angle de Greenwich Avenue, à New York. Hopper refusait de lui attribuer d'autre signification que celle que le spectateur pourrait lui-même imaginer. Ce tableau représente deux hommes et une femme, assis à un bar, la nuit dans une ville déserte, ainsi que le barman. Le regard du spectateur se situe à l'extérieur du restaurant et la lumière au néon (qui n'existait que depuis le début des années 40) du restaurant offre la seule source lumineuse de la scène.
Comme le cliché d’un désert, le but n’est pas l’endroit mais l’atmosphère qui s’en dégage. Le lieu se suffit à lui même, il est Royaume d’une contradiction contemporaine : celle de la quiétude et de l’inquiétude.
Qui sont-ils d’ailleurs, ces oiseaux de nuit ? Ils sont assez élégants, mais nous ne pouvons nous y fier, nous sommes en 1942. Cette élégance est donc aussi bâtarde que celle des personnages des films d’Hitchcock. Tout le monde s’habille en complet, en robe, sous un chapeau. Le titre se charge de nous donner leur identité. Nighthawks : ne vous fiez pas aux apparences, les gens qui s’accoudent aux comptoirs à des heures si tardives sont bien peu reluisants, veut nous dire le peintre.
Si la chaleur semble ainsi émaner de l'intérieur du bar, une tension contradictoire provient du mystère des personnages qui s'y tiennent ; leurs expressions et postures figées peuvent laisser présager le déroulement d'un drame.
L’absence de la porte de sortie du bar rend les personnages enfermés comme dans une cage ou un aquarium.
Ce tableau contient les thèmes principaux de l'artiste : l'amour, la solitude, la mort. La structure angulaire, la vision par ou à travers la fenêtre, l'ennui des personnages, mais également les restaurants, seront des approches plusieurs fois exploitées par Hopper, même si les œuvres de nuit sont moins courantes dans sa peinture contrairement au couchers de soleil ou levés du jour.
Cinéphile, l’artiste s’est nourri des films de l’âge d’or hollywoodien des années 1930 et 1940. "Quand je n’arrivais pas à peindre, disait-il, j’allais au cinéma pendant une semaine ou plus." Bien qu’il n’ait jamais revendiqué une influence particulière, Hopper n’en a pas moins utilisé les techniques de la mise en scène et du cadrage pour concevoir ses toiles : le jeu des ombres et des contrastes, la construction d’une image fortement géométrisée en sont les paramètres les plus évidents. Mais ce qui caractérise aussi ce tableau, c’est la narration. Hopper affirmait s’être inspiré d’une nouvelle de Hemingway, Les tueurs, publiée en 1927, dans laquelle deux tueurs à gages assassinent un ancien boxeur.
L'oeuvre a elle-même inspiré de nombreux artistes, que ce soient des cinéastes comme Wim Wenders (The End of Violence) ou des musiciens comme Tom Waits
Lorsque Robert Siodmak adaptera Les Tueurs à l’écran en 1946, il s’inspirera à son tour de ce tableau pour la séquence d'ouverture.